Vous êtes dans un musée. Autour de vous sont disposées des œuvres d’époque et d’origine diverses, certaines connues, d’autres moins. Durant votre visite, vous entendez des gens en vanter les qualités esthétiques, tout en constatant que leurs conversations s’essoufflent généralement au bout de quelques superlatifs. Vous vous apercevez très vite que les cartels disposés sous chacune de ces œuvres sont dépourvus d’indication quant à l’identité de leur auteur. Vous vous renseignez auprès de l’accueil où l’on vous répond qu’il ne s’agit pas d’un oubli et que c’est un phénomène récurrent. Vous rétorquez qu’il s’agit d’œuvres contemporaines et que les artistes qui ont travaillé sur ces œuvres sont, au moins pour certains, probablement encore en vie et qu’il existe sûrement un moyen de retrouver leur trace, mais votre interlocuteur ne vous donne pour réponse qu’un haussement d’épaule.
En l’espace de quelques décennies, l'industrie du jeu vidéo est parvenue à s'attirer les services de quelques uns des meilleurs artistes et artisans contemporains (compositeurs, illustrateurs, concept artists, architectes) ; elle reste néanmoins un domaine où ils sont souvent aussi invisibles que les script doctors au cinéma, les nègres en littérature ou les assistants de certains dessinateurs de bandes dessinées. Encore aujourd’hui, ce secteur peine à résoudre son problème d’anonymisation. Si pour certains développeurs ou artistes il s’agissait (et s’agit parfois encore) d’un choix, le plus souvent la raison est à chercher du côté de la direction qui, officiellement, redoutait le débauchage de ses employés.
En 2013, Naoto Ohshima a émis l'hypothèse selon laquelle l'utilisation de pseudonymes était peut-être un moyen d'éviter qu'un artiste ne réclame des droits d'auteur sur l'une de ses créations. Les designers sont certes davantage rétribués qu'à l'époque de l'apparition d'Hello Kitty (dont le créateur n'était qu'un employé parmi d'autres au sein de Sanrio), mais sur le plan juridique, encore aujourd'hui, tout ce qui est créé au sein d'une entreprise est la propriété de cette entreprise.
Interrogé sur l'identité de l'illustrateur de Fighting Ex Layer quelques semaines avant sa sortie, Ichiro Mihara, vice-président de la société Arika, répondait que, pour découvrir la réponse, il faudra acheter le jeu et visionner le générique de fin. Une attitude assez répandue dans une industrie où nombre de sociétés redoutent que la mise en avant des uns ne conduise à une lutte d’égos peu propice au travail d’équipe.
Peu importe les raisons, les illustrateurs se retrouvent bien souvent drapés de la même cape d'invisibilité. Des sites comme GDRI, GameStaff@wiki et VGMDB s’escriment depuis des années à retrouver l’identité de sociétés sous-traitantes, de développeurs et de compositeurs délaissés par les crédits de fin ou crédités sous un pseudonyme qu’ils n’ont pas nécessairement choisi, mais la situation des illustrateurs est quelque peu différente. L’illustration de couverture est fréquemment perçue non pas comme une composante du jeu mais comme un outil promotionnel, probable justification à l’absence si fréquente du nom de l'artiste concerné dans les crédits du jeu.
Néanmoins, cette règle connait un nombre non négligeable d’exceptions selon que l’illustrateur est ou non membre de la société qui produit le jeu, qu'il est connu du public ou qu’il prend en charge le design des personnages.
Ce qui va suivre n'est pas une solution miracle - même en prenant des précautions, il est quasiment impossible d'obtenir la preuve absolue que tel artiste est bien l'auteur d'une œuvre donnée - mais une présentation de la méthode que j'utilise, avec pour objectif de mettre un nom sur toutes les illustrations relatives au jeu vidéo.
I ] Chercher l’auteur d’une illustration
Durant la première moitié du XIXe siècle, John Smith entreprit un recensement des œuvres du peintre Rembrandt et dressa un corpus de près de 600 toiles, nombre qui fluctuera (parfois de plusieurs centaines) au gré des recherches effectuées par ses successeurs.
En 1968, des experts fondèrent le Rembrandt Research Project afin de cataloguer plus précisément la liste des œuvres du peintre néerlandais, à qui on a parfois attribué à tort la paternité de certaines peintures. Parmi les toiles désattribuées se trouve L'homme au casque d'or, œuvre dont l'identité de son auteur demeure incertaine.
L'homme au casque d'or (~1650)
Le Rembrandt Research Project s'appuyait bien souvent sur des sketches ou des croquis préparatoires pour établir la paternité d'une œuvre, mais cette technique n'est pas infaillible et le fait que le jeu vidéo soit bien souvent le fruit d’un travail collaboratif minimise la portée de ce type d'indices.
Les techniques employées par le Comité d'Authentification des œuvres d’Hergé fondé en 2010 sont elles aussi difficilement transposables au secteur du jeu vidéo. Bien que ce comité vise à identifier des documents réalisés par différentes personnes - de nombreux albums signés Hergé dont des Tintin ont été écrits et dessinés avec l’aide d’autres auteurs tels que Edgar P. Jacobs (Blake et Mortimer), Jacques Martin (Alix) ou encore Bob de Moor - et qu’il s’agisse d’artistes contemporains, il se concentre sur un groupe d’artistes dont l’identité est déjà connue de ses membres. Or, il n’existe à l’heure actuelle aucune liste exhaustive de personnes ayant travaillé dans le jeu vidéo. Qui plus est, les collaborations ne se font pas nécessairement au sein d’une même société. Ainsi, Satoshi Nakai, graphiste et dessinateur indépendant, compte dans son portfolio un design qui ressemble fortement à celui utilisé pour la jaquette d'Assault Suits Valken. Néanmoins, l'illustration a été réalisée par Masami Ohnishi, lui-même illustrateur indépendant.
Mecha-design et illustration de couverture du jeu Super Famicom Assault Suits Valken (1992)
S'il est évident qu'on peut difficilement appliquer les mêmes techniques d'analyse au domaine du jeu vidéo, qui plus est quand les artworks concernés ne sont généralement visibles que par le biais de reproductions - les originaux sont soit sur un fichier numérique, soit entre les mains de sociétés ou de particuliers et ne sont exposés publiquement qu'à de rares occasions - on peut tenter d’établir des critères adaptés à nos recherches et à notre époque.
Première chose à regarder : le nom de l’illustrateur figure-t-il quelque part sur la publicité, dans le jeu, dans sa notice ou sur sa jaquette ?
En 1981, pour illustrer le flyer du jeu d’arcade Bosconian, Namco fit appel à Shusei Nagaoka, artiste qui avait réalisé des pochettes de disque dans les années 70 pour Deep Purple, George Clinton, Electric Light Orchestra ou encore Earth, Wind & Fire. Son nom est indiqué sur le flyer du jeu, ce qui n'est pas le cas du designer en charge du logo - Hiroshi Ono, AKA Mr Dotman - un artiste maison.
Flyer de Bosconian (1981). Le nom de l’artiste est écrit en bas à gauche (”イラスト: 長岡秀星 “)
Yoshiaki Yoneshima a réalisé plusieurs illustrations pour des jeux Mega Drive, notamment Bare Knuckle I et II, Golden Axe ou encore Super Monaco GP. La principale source d'information concernant cet artiste tient en un livre - Sega TV Game Genga Gallery -, mais c'est en jetant un œil à la notice japonaise de Tatsujin que l'on a eu vent de sa contribution au jeu (avec une retranscription approximative de son nom en rōmaji).
Extrait de la notice japonaise de Tatsujin (Mega Drive, 1989)
Akira Watanabe a collaboré à de nombreuses reprises avec Jaleco et Sega, en particulier sur la série Sonic. Ses travaux ne sont pas systématiquement crédités, mais sa participation aux différent jeux de la série Outrun est généralement indiquée sur la boite dudit jeu.
Fragment de la pochette de la version Mega Drive de Turbo Outrun (1992)
Eternal Arcadia, aussi connu sous le nom de Skies of Arcadia, est un exemple un peu particulier. Le générique de fin crédite Itsuki Hoshi en tant qu'illustratrice mais ne fait aucune mention de l'artiste qui a réalisé les illustrations promotionnelles utilisées avant la sortie du jeu - Shinichi Morioka.
Crédits de fin de Skies of Arcadia (2000)
L’illustration est-elle signée ?
Il n’y a pas de règle absolue. Certains artistes, même connus, ne signent pas leur travail. Chez un même éditeur, on peut trouver des illustrations signées, d’autres non. Il arrive parfois que l’artiste ne puisse signer de son nom complet et doive se contenter d’apposer ses initiales.
Illustration de couverture de la version Atari 2600 du jeu Vanguard (1982), réalisée par Ralph McQuarrie, concept artist rendu célèbre par son travail sur Star Wars
Souvent, un auteur connu sera crédité sur la boite du jeu, en marge d'une publicité, dans les crédits de fin, voire au début du jeu, soit parce qu'il a imposé cette close dans son contrat (à l'instar du compositeur Yuzo Koshiro), soit parce que sa présence constitue un argument marketing - au Japon plus qu'ailleurs, le nom du ou des artistes qui collaborent au projet peut être mentionné dans les previews. Akira Toriyama a été l'un des premiers artistes mis en avant au Japon avec la sortie de Dragon Quest en 1986, même si des artistes renommés tels que Kow Yokoyama (sculpteur et mecha-designer), Mutsumi Inomata (animatrice) ou encore Jun Suemi (illustrateur) avaient déjà mis un pied dans l'industrie du jeu vidéo avant lui.
Dragon Quest premier du nom (1986)
Il serait hasardeux d’attribuer à un artiste la paternité d’une œuvre sur la simple foi de ses initiales, en particulier si celles-ci sont écrites dans un style calligraphique neutre, quand bien même le style de l’illustration serait proche de celui de l’artiste. On peut tout au plus tirer de ce faisceau d’indices une forte probabilité.
El Coloso (~ 1808-1812), toile longtemps attribuée à Francisco de Goya, et dont la paternité a été contestée en 2008 en partie du fait de la présence d’initiales à la signification incertaine
Le fait qu’une signature ne soit pas visible sur la jaquette d’un jeu ne signifie pas que l’illustration n’a pas été signée. Une fâcheuse tendance - qui se constate surtout en Occident - consiste à cacher la signature de l’artiste par un logo, du texte ou une image cropée, quand elle n'est pas carrément gommée.
A défaut d'apparaître sur la boite du jeu, la signature de l'illustrateur de Strider version Genesis - WC - est visible sur une publicité brésilienne
Certains artistes changent de signature en cours de carrière, d’autres en utilisent plusieurs simultanément. Il arrive aussi qu'un artiste change de nom ou de nom de plume. Si on a coutume de l'appeler Bengus, l'ancien artiste de Capcom a régulièrement changé de pseudonyme au cours de sa carrière (et continue de le faire sur Twitter), de CRMK à Mido Shiito en passant par Holy Homerun ou encore Gouda Cheese.
Autre changement, plus spécifique au Japon : le changement de graphie. Par souci de simplification, plusieurs artistes ont l'habitude d'écrire leur nom non pas en kanji mais en hiragana. Parfois, un artiste dont le nom comporte un kanji peu commun le substitue par un kanji plus simple mais pouvant se prononcer de la même manière. Satoshi Nakai, illustrateur sur la série Culdcept a utilisé pas moins de 3 graphies différentes depuis le début de sa carrière :
中井 覺, simplifié en 中井 覚 puis changé en 仲井さとし
Indiquer la graphie japonaise permet néanmoins de limiter les risques de confusion entre 2 homonymes.
A gauche, un dessin d'Hisashi Eguchi / 江口寿史. A droite, un dessin d'Hisashi Eguchi / 江口寿志.
Autre cas de figure qu'il n'était pas rare de rencontrer au début des années 90 au Japon : la double identité. Kensuke Suzuki a débuté avec un style d'inspiration occidentale, influencé par des artistes tels que Frank Frazzeta et Jeffrey Catherine Jones. En parallèle de ce style, il a commencé à dessiner des illustrations plus rondes, plus en accord avec la perception que l'on pouvait avoir du style japonais, notamment sur les séries Shining Force Gaiden et Dragon Master Silk où il signait du nom d'Hiroshi Kajiyama.
Shining Force Gaiden et Dragon Warrior II, la version américaine de Dragon Quest II
Dans les années 70, les frères Hildebrandt se sont fait connaître par leurs illustrations du Seigneur des anneaux réalisées à 4 mains et signées de leurs deux prénoms. Après avoir fait chemin à part dans les années 80, ils se sont retrouvés et ont alterné travaux en solo et œuvres collaboratives, notamment dans le milieu du jeu vidéo.
D'autres collaborations plus occasionnelles se sont mises en place, notamment aux Etats Unis où la répartition des tâches (line, encrage, colorisation) est quasi-institutionnelle dans l'industrie du comic grand public. Il n'est ainsi pas rare de trouver des illustrations signées par deux ou trois artistes, en particulier pour des adaptations de comics réalisées dans les années 80 et 90. Néanmoins, cette répartition des tâches se fait parfois entre des artistes extérieurs et des artistes maison. C'est ce qu'il s'est produit sur le premier épisode de F-Zero, jeu pour lequel la bande dessinée intégrée à la notice a été esquissée par Takaya Imamura, tandis que des artistes du studio Valiant comics l'ont mise au propre.
Versions préparatoire et définitive de planches de la notice de F-Zero (1990)
Si l’illustrateur prend aussi en charge le design des personnages, il y a des chances qu’il soit crédité dans le jeu, sans qu'il soit nécessairement fait mention des illustrations. Néanmoins, il arrive fréquemment que l'artiste en charge des illustrations (y compris les illustrations de personnage que l'on trouve parfois dans les notices) soit différent de celui ou ceux qui ont designé les personnages. C'est notamment le cas dans la plupart des jeux de combat de Capcom, SNK et bien d'autres, ainsi que dans d'autres types de jeu. Citons par exemple Langrisser, Shining Force III ou encore la série Golden Sun.
Le cas très particulier de l'illustration retouchée par on ne sait qui :
En Janvier 2018, Piko Interactive a réédité le jeu Gourmet Sentai, dans une version qui, logos et mentions légales mis à part, pourrait sembler identique à l'originale au premier coup d'œil. Sauf qu'en y regardant d'un peu plus près, on se rend compte que l'illustration de couverture n'est pas tout à fait la même. S'agit-il d'une recolorisation ou d'une recréation intégrale de l'illustration ? L'auteur d'origine l'a-t-il prise en charge ? Précision importante dans le cas présent : il n'est pas exclu que l'original ait disparu ou soit indisponible. Tomoharu Saitō, l'un des artistes du jeu qui a par ailleurs été crédité en tant qu'illustrateur sur d'autres titres, est décédé en 2006. L'identité de l'illustrateur d'origine m'est encore inconnue.
Gourmet Sentai: Bishoku Sentai Bara Yarō (1995), ancienne et nouvelle version
D'autres illustrations pour des titres tels que Street fighter II et Grandstream Saga ont connu des modifications a posteriori. On associe bien souvent cette pratique à George Lucas qui l'a exercée sous le feu des projecteurs avec Star Wars, mais le phénomène est plus ancien que ça. De Tintin à Bilbo le Hobbit, en passant par Blade Runner, Gunnm ou encore Pierre Bonnard qui s'introduisait dans des galeries pour retoucher ses propres toiles, les raisons invoquées pour procéder à de tels changements sont au moins aussi nombreuses qu'il y a de domaines artistiques concernés.
Street Fighter II (1991) et The Grandstream Saga (1997) - le jeu des 2 ou 3 différences
En l’absence de mention dans le jeu, la notice, la jaquette ou les publicités dédiées, plusieurs voies s’ouvre au chercheur.
Utiliser la fonction “rechercher une image avec Google” (fonction disponible de base sous Chrome) pour :
_Vérifier que l’illustration en question n’a pas été utilisée dans une autre version du jeu. Si le nom est indiqué, c'est généralement dans la version d'origine, mais il arrive que l'information provienne d'une conversion (Gradius II sur X68000).
_Vérifier que l’illustration en question n’a pas été utilisée dans un autre medium. Exemples : jeux de rôle papier, affiches de film, Livres dont vous êtes le héros, pochettes de CD, etc.
_vomir sur Pinterest qui truste les premières pages de résultats et qui n’est globalement d’aucun secours.
Chercher des produits dérivés :
_OST : le livret qui accompagne le disque ou la cassette crédite parfois le ou les illustrateurs.
_artbook : 3 limites :
1) Les artbooks qui ne créditent que la société dans le cas où l’illustrateur travaille au sein de la société qui développe le jeu en question.
2) Les crédits partiels : l'illustration de couverture de la version japonaise de Sonic 1 a été finalisée par Akira Watanabe, illustrateur extérieur à Sega. Son nom figure dans le livre Sega TV Game Genga Gallery, ce qui n'est pas le cas de celui de Naoto Ohshima, un designer maison qui a réalisé l’esquisse ayant servi de base à cette illustration.
Autre cas de figure pouvant expliquer l’absence de nom : l’illustrateur ne fait plus partie de la société de développement concernée au moment de la publication de l’artbook.
3) Les erreurs : à la sortie de l'artbook Vampire Art Works en 2013, Akira Yasuda (AKA Akiman) avait indiqué sur Twitter que les informations qu’il avait fournies durant l’interview réalisée pour les besoins de ce livre avaient été mal recueillies par son interlocuteur, lequel n'avait pu enregistrer toute la conversation et avait du se contenter de sa mémoire pour retranscrire ce qui avait été dit.
Une information publiée dans un livre n'a pas nécessairement plus de valeur qu'une information publiée sur un blog perso ou sur Twitter, tout dépend de la source.
Illustration réalisée pour le numéro de printemps 1994 du magazine Club Capcom. Le jeu représenté - Forgotten Worlds - est sorti en 1988, tandis que l’illustration elle-même est datée du 3 décembre 1993. Bien que présente dans au moins deux artbooks dédiés à Capcom en plus du magazine susmentionné, l’identité de l’auteur de cette illustration demeure inconnue
L’illustrateur est-il membre de la société qui produit le jeu ?
En 1984, à l'occasion de la sortie de son premier jeu d'arcade - Vulgus -, Capcom fit appel à une société extérieure pour réaliser l'illustration devant figurer sur le flyer. Malgré les 2 millions de yens versés, le résultat fut jugé peu convaincant et la direction décida que, désormais, les illustrations seraient réalisées en interne (ce qui n’a pas empêché la société de collaborer par la suite avec des artistes tels que Tetsuo Hara et Hirohiko Haraki).
Le nom des illustrateurs de Capcom n'apparaît jamais sur les illustrations elles-mêmes (à l’exception notable de celle réalisée pour le flyer du premier Street Fighter, signée Seiya.), mais certains d'entre eux sont parvenus à faire connaître leur pseudonyme notamment par le biais de l'artbook Gamest Mook 17: Capcom Illustrations sorti fin 1995, lequel sera suivi d'autres livres dédiés à la société ou à certains de ses jeux. Avant cela, seuls des dessins publiés dans des newsletters ou envoyés en réponse à des lettres de fans permettaient aux artistes d'apposer leur signature et de se faire connaître auprès d'une niche.
Gamest Mook 17: Capcom Illustrations (1995)
Dans la deuxième moitié des années 80, d'autres sociétés telles que Sega ont permis à leurs employés de s'exprimer au sein de newsletters (SPEC), tandis qu'une société comme SNK avait opté pour la publication de notices manuscrites réalisées à l'occasion de la sortie de quelques uns de ses jeux d'arcade tels qu'Athena, Ikari Warriors ou encore Psycho Soldier. Par ailleurs, à l'instar de son voisin Capcom, SNK a probablement compris qu'il avait un intérêt à mettre en avant des artistes maison, apportant ainsi une nouvelle pierre à la rivalité entre les 2 spécialistes du jeu de combat en 2D. Des artbooks commencèrent à sortir au milieu des années 90, mais les crédits se limitaient là encore à une poignée d'artistes sous pseudonyme (Shinkiro et Eiji Shiroi).
A noter qu'une société ayant un département dédié à l'illustration et au design peut faire appel à des artistes extérieurs pour des raisons de stratégie marketing ou de manque de temps, notamment si tous ses artistes sont déjà accaparés par d'autres tâches.
Extrait du livret publié par SNK pour le jeu Athena, sorti en arcade en 1986. Rampty, l’illustrateur et auteur de la bande-dessinée incluse dans ce livret, y est crédité à deux reprises
Une illustration réalisée par Judy Totoya, de son vrai nom Yasushi Yamaguchi, pour le jeu Shadow Dancer. Extrait du volume 7 de SPEC
Chercher le nom et la nationalité de l'éditeur :
Certains éditeurs emploient souvent le ou les mêmes artistes. A l'époque de la NES, la branche américaine de Vic Tokai faisait généralement appel à Lawrence Fletcher pour réaliser les illustrations de couverture de ses jeux.
Un éditeur japonais fait généralement appel à un artiste japonais. Il y a bien sûr des exceptions, mais ranger les illustrations de jeux publiés au Japon dans un dossier à part permet de limiter le champ de recherche.
Lancer une recherche Google ou Twitter avec le nom du jeu :
Premier point : garder à l'esprit qu'une information non sourcée n'a aucune valeur. Ensuite, libre à vous de vous lancer dans des recherches au petit bonheur la chance. Cela peut vous conduire à un site personnel, une interview, un message de l'auteur ou de l'un de ses collaborateurs ou encore des photos d'une exposition dédié à un artiste ou groupe d’artistes, un jeu ou une série de jeux ou encore une société.
Victime des apparences, cette illustration réalisée pour la suite du manga Dr Slump, trop souvent attribuée à Akira Toriyama. Son auteur, Katsuyoshi Nakatsuru, est pourtant crédité dans le livre où elle figure.
Enchères :
Le 17 janvier 1995, le tremblement de terre de Hanshin-Awaji frappait de plein fouet Kobe et ses environs, provoquant la mort de plusieurs milliers de personnes. Konami, qui y avait installé son QG en 1986, subit alors d'importants dégâts matériels et perdit une bonne partie de ses archives, notamment des illustrations réalisées pour les premiers épisodes de la série Castlevania. En l'absence de bilan public, on ne sait pas quelles autres œuvres ont été réduites en poussière ; le recensement se fait au compte goutte, soit lors d'anniversaires (les 30 ans de Gradius), soit à l'occasion de la mise aux enchères d'originaux, comme ce fut le cas en 2017 avec des illustrations réalisées par Hideaki Kodama pour divers jeux produits par Konami.
Illustration de couverture de Contra III (1992), mise aux enchères en 2017
La mise aux enchères d'une œuvre permet bien souvent de découvrir l'identité de son auteur et d'apprécier des illustrations non éditées, mais le phénomène demeure peu fréquent, en particulier au Japon. Il invite aussi à se demander quel type de contrat établissaient la société et les artistes. D'après Masaaki Kikuno, ancien graphiste chez Konami, la société qui l'employait faisait appel à des illustrateurs extérieurs. Dans un tel cas de figure, une même société peut opter alternativement pour deux solutions : commander à un artiste une illustration qu'elle pourra reproduire ou, solution plus onéreuse, commander à un artiste une illustration dont elle obtiendra la propriété (ce qui implique que l’original ne sera plus en possession de l’artiste mais de la société).
II ] Dresser un profil
Aux cours de mes recherches, j'ai pu constater qu'un grand nombre d'artistes, y compris parmi les plus connus, n'avaient jusqu'alors pas fait l'objet de recherches approfondies. Les profils dressés ici où là étaient généralement lacunaires voire inexacts et les sources rarement mentionnées.
La première chose à faire pour dresser un profil consiste à trouver une trace de l'artiste concerné sur Internet. L'algorithme de Google a tendance à faire apparaître les pages Wikipedia et les comptes Google et Twitter avant les sites personnels ; c'est néanmoins vers ces derniers qu'il faut se tourner en premier lieu. Certains artistes tiennent un site recensant de manière exhaustive leurs différents travaux ; d'autres sont en revanche peu locaces et/ou visent surtout à mettre en avant leur actualité. Dans le deuxième cas de figure, archive.org peut s'avérer utile pour recenser de vieilles actualités ou découvrir qu'un auteur avait par le passé une page listant ses différents travaux.
La tendance à posséder un site personnel a souffert de l'arrivée des réseaux sociaux dans la deuxième moitié des années 2000 et nombre de sites n'ont depuis plus été mis à jour, quand ils n'ont pas purement et simplement fermé. Les cas d'URL non sauvegardées par archive.org sont malheureusement fréquents (en supposant qu'on ait réussi à dénicher une URL quelque part).
Exemple de site toujours en ligne au 1er octobre 2018 mais qui n’avait pas été sauvegardé par Archive.org depuis 2005. Le site fermera dans quelques mois (en mars 2019) en même temps que tous les autres sites de son hébergeur, Geocities Japon
Autre problème susceptible d'être rencontré : certains artistes considèrent que leurs illustrations relatives au jeu vidéo étaient purement alimentaires et ne cherchent pas à les mettre en avant.
Si l'étape précédente n'a pas apporté entière satisfaction, tournez-vous vers le support papier. L'artiste a peut-être publié des recueils d'illustrations, lesquels comportent parfois une liste de travaux et des interviews. Une recherche sur Google, Amazon ou suruga-ya.jp (pour les livres publiés au Japon) devrait suffire à prendre connaissance de l'existence de tels livres. Cela peut demander un certain budget, notamment pour des auteurs dont les œuvres sont dispersées entre une dizaine de livres (Katsuya Terada en est un bon exemple).
Concernant les interviews, il n'est pas toujours évident de prendre connaissance de celles publiées sur support papier, et mettre la main dessus peut s'avérer délicat. Pour ce qui est de celles publiées sur Internet, même problème qu'avec les sites personnels : elles ont parfois disparu avec les sites qui les hébergeaient et archive.org peut être dans l'incapacité de les faire revenir, illustrant bien la nécessité de ne pas attendre pour effectuer ce genre de recherches.
Si l'insuccès persiste, l'étape suivante consiste à visiter Internet (en gros) : lancez une recherche avec le nom de l'auteur dans Google, Twitter et Facebook, en 2 langues si l'artiste est japonais, auquel cas vous pouvez ajouter des sites tels que Famitsu et Game.Watch.impress à vos recherches.
Ces recherches doivent permettre de trouver de nouveaux titres, écarter des rumeurs, obtenir des confirmations ou encore voir quel travail a effectué l'artiste sur tel ou tel jeu. Pour le dernier point, il est souvent nécessaire de lancer une recherche pour chaque jeu sur les sites susnommés (spoiler : ça peut être très long).
Pourquoi ne pas contacter l'auteur ?
La différence entre un biographe et un stalker se résume parfois à une question de point de vue. Certains artistes peuvent être mal à l'aise à l'idée que quelqu'un fouille dans leur passé, d'autant plus s'ils ont tourné la page (quitté l'industrie, changé de nom ou de pseudo, etc.). D'autres sont en revanche ravis de voir qu'on s'intéresse à leur travail et partageront spontanément des informations ou corrigeront certains points, notamment sur Twitter. Je préfère ne contacter que les personnes de la seconde catégorie.
De manière générale, beaucoup de développeurs sont entrés dans l'industrie du jeu vidéo sans se douter que, des décennies plus tard, des gens se souviendraient de leur travail, voire chercheraient à en savoir plus sur eux. Beaucoup souhaitent conserver l'anonymat et n'ont visiblement pas conscience qu'il peut être facile de retrouver leur nom via Mobygames ou un site équivalent simplement en ayant une liste de quelques uns des jeux sur lesquels ils ont travaillé et dont ils ont fait mention sur Twitter ou ailleurs.
Comment éviter de passer à côté de certains travaux ?
Sauf à disposer d'une collection à en faire pâlir la bibliothèque d'Alexandrie, vous ne pourrez prétendre à l'exhaustivité et devrez vous contenter de faire de celle-ci un idéal à atteindre. Pour minimiser les risques, la meilleure solution reste de collecter des images : illustrations de couverture, de notice, de magazine, publicités, etc.
Ce travail de collecte comporte un autre intérêt, à savoir la découverte de nouveaux artistes. Lors de la collecte d'informations au sujet d'un jeu en particulier, il peut arriver que vous découvriez qu'il n'y a pas un mais plusieurs illustrateurs crédités sur le même jeu, chose très fréquente pour les trading card games (Culdcept, Lord of Vermilion, Alteil, etc.).
La collecte d'images permet dans le meilleur des cas d'avoir le nom de l'illustrateur attaché à l'illustration qu'il a réalisée. Parfois, vous ne trouverez qu'une signature, laquelle peut néanmoins vous conduire sur la piste de son auteur. Toutefois, le cas le plus fréquent est l'absence totale de nom et de signature. Collecter ce dernier type d'images peut vous permettre de déceler un style commun à plusieurs illustrations. Imaginons que vous ayez le nom de l’artiste pour l’une de ces illustrations et qu’une autre illustration ayant un style proche soit non identifiée, les chances d’obtenir une confirmation seront plus élevées en lançant une recherche Google avec le nom de l’artiste attaché à celui du jeu en question.
Pour aller plus loin dans la découverte de nouveaux artistes, vous pouvez rechercher des dessinateurs susceptibles d’avoir travaillé dans le jeu vidéo : illustrateurs de magazines (Dragon Magazine, Animage), de jeux de cartes (Magic) ou encore d’affiches de film, dessinateur de bandes dessinées (essentiellement dans le circuit du comics et du manga), animateurs clef dans l'industrie de l'animation japonaise, etc.
Sources:
Naoto Ohshima sur l'utilisation de pseudonymes :
The untold History of Japanese game developers Vol.3 p300
Ichiro Mihara sur l'identité de l'artiste en charge des illustrations de Fighting Ex Layer :
https://twitter.com/miharasan/status/998426929291132928
Rembrandt Reasearch Project :
https://en.wikipedia.org/wiki/Rembrandt_Research_Project
Comité d'Authentification des oeuvres d’Hergé
https://fr.tintin.com/contacts/expertise
Satoshi Nakai et Valken :
The untold History of Japanese game developers Vol.2 p251
Masami Ohnishi et Valken :
https://twitter.com/Captain_Pixel/status/954543987670491138
Jaquettes et notices de jeux Mega Drive :
https://segaretro.org/
Vanguard et Ralph McQuarrie :
Tim Lapetino - Art of Atari
El Coloso :
https://www.museodelprado.es/en/the-collection/art-work/the-colossus/2a678f69-fbdd-409c-8959-5c873f8feb82
Satoshi Nakai :
https://web.archive.org/web/20061212153509/http://home.n00.itscom.net/dnb/profile2002.html
https://twitter.com/ariga_megamix/status/535731341321437184
The untold History of Japanese game developers Vol.2
Sonic CD
https://twitter.com/eguchi_1203/status/839576418581241856
Kensuke Suzuki - Hiroshi Kajiyama :
https://twitter.com/KAJIYAMA_/status/486427966780346368
https://twitter.com/daza_e5656/status/499435833938550784
Tim & Greg Hildebrandt
https://timhildebrandt.net/alpha.html
http://www.brothershildebrandt.com/Brothers.htm
F-Zero :
http://www.nintendo.com/super-nes-classic/interview-f-zero/
http://jimshooter.com/2012/02/made-to-order.html/
Tomoharu Saitō - Gourmet Sentai
http://www.la-saito.com/
Gradius II:
The Official art of Gradius II
Akira Watanabe - Naoto Ohshima :
Sega TV game genga gallery
https://twitter.com/NaotoOhshima/status/847131989392031744
https://twitter.com/NaotoOhshima/status/850292613504577536
Problème de fiabilité des artbooks :
https://twitter.com/akiman7/status/312911990144258049
Capcom et Vulgus :
https://twitter.com/akiman7/status/303439055343992834
The Capcom Fan Club :
http://shmuplations.com/capcom1991/
Forgotten Worlds :
https://twitter.com/e_capcom/status/912616075489042432
Capcom Illustrations :
https://web.archive.org/web/20160121001940/http://www.capcom.co.jp/game/content/?p=5358
Athena :
https://retrogamegoods.com/gamegoods_item/snkエスエヌケイ「アテナ」攻略マニュアル
SPEC :
https://segaretro.org/Sega_Players_Enjoy_Club
Konami et le tremblement de terre de 1995 :
https://www.gamasutra.com/view/feature/134653/where_games_go_to_sleep_the_game_.php
Hideaki Kodama :
http://forums.lostlevels.org/viewtopic.php?t=3539
Konami employait des illustrateurs extérieurs :
The untold History of Japanese game developers Vol.1 p184